Philinte et les moeurs du temps – Moliere

(extrait du Misanthrope de Molière en ces temps de débatsde societe un peu steriles)

“Mon Dieu, des mœurs du temps mettons-nous moins en peine,
et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
ne l’ examinons point dans la grande rigueur,
et voyons ses défauts avec quelque douceur.
Il faut, parmi le monde, une vertu traitable ;
à force de sagesse, on peut être blâmable ;
la parfaite raison fuit toute extrémité,
et veut que l’ on soit sage avec sobriété.
Cette grande roideur des vertus des vieux âges
heurte trop notre siècle et les communs usages ;
elle veut aux mortels trop de perfection :
il faut fléchir au temps sans obstination ;
et c’ est une folie à nulle autre seconde
de vouloir se mêler de corriger le monde.
J’observe, comme vous, cent choses tous les jours,
qui pourroient mieux aller, prenant un autre cours ;
mais quoi qu’ à chaque pas je puisse voir paroître,
en courroux, comme vous, on ne me voit point être ;
je prends tout doucement les hommes comme ils sont,
j’ accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font ;
et je crois qu’ à la cour, de même qu’ à la ville,
mon flegme est philosophe autant que votre bile.”