La dérive des continents – Mathieu Tremblay

Depuis des mois, des années, les mêmes histoires.

Le racisme, le sexisme, l’oppression des uns sur les autres, la prise de pouvoir des fous et des idiots. Comme le glissement des plaques tectoniques éloigne les continents, à chaque fois qu’on croit qu’un séisme pourrait ramener une proximité, j’assiste vain et triste à un glissement des mondes, un éloignement des groupes, une augmentation des clivages.

Je rêve d’un monde dans lequel quelques gènes ne définissent pas une différence. Dans lequel on ne se détermine pas par notre genre ou la couleur de notre peau et dans lequel c’est ce que tu fais quoi definisse ta valeur. Alors que mon utopie pourrait être partagée, je me sens inadapté et excentrique à croire à mes propres fables à mes propres rêves. Lire trop Hugo et pas assez Despentes est peut être mon problème. Même si j’aime les deux autant j’aimerais (ça serait tellement plus beau) croire à l’humain, à l’humanité au sens profondément biologique et ethnologique.
Je croyais jusqu’à récemment que les humains pouvaient se rejoindre, je voulais tellement y croire … J’ai plus de quarante ans et depuis tout ce temps là je croyais à l’espèce, en biologiste, en analyste structurel. Plus je lis, plus je découvre, plus je constate, plus j’ai mal.

La chute est certaine, il apparaît en 2020 que les travaux de Carl Von Linné sur l’Homo Sapiens datant du XVIII eme siècle heurtent peut être depuis quelques années leurs limites. Les continents dérivent plus que jamais semble t il. Les genres s’éloignent tant, le clash est si fort que le dialogue devient difficile voire impossible. Les humains de densité mélaninienne différente ont des accès à des vies différentes. On parle ici simplement, uniquement de caryotype, les seules différences sont de minimes variations minimes qui permettent la diversification de notre espèce et sa force et pourtant l’humain semble ne plus voir son espèce comme un tout cohérent et harmonieux.

La chute est vertigineuse, on tombe (tous!), les liens se defont, la distance s’accélère. Comment peut-on changer ça ? L’éducation des générations actuelles, des prochaines. L’établissement de règles plus strictes pour les individus qui ne peuvent pas absorber les concepts enseignés. Les solutions existent mais peuvent elle sauver ou solutionner réellement l’urgence dans laquelle notre espèce se trouve?

Après l’homme de Néandertal, Linné a été le premier à introduire la notion d’Homo Sapiens. (Par définition Homo sapiens dans son ensemble (le nominatif homo a donné en français le pronom indéfini on). Sapiens est un adjectif latin signifiant « intelligent, sage, raisonnable, prudent », adjectif issu du gérondif du verbe sapio signifiant « avoir du goût, de la saveur, du jugement ».)

Du goût, de la saveur, du jugement. intelligent, sage, raisonnable, prudent.

Dans les films de petits garçons que je regardais, des héros résultaient de mutations, des humains mutants se retrouvaient pourvus de super pouvoirs. A-t-on muté globalement ? L’espèce humaine a-t-elle franchi une barrière qui nous emmène inéluctablement à la fin de l’Homo Sapiens?

J’ai peur et je perds confiance en ce moment. La panique alterne avec l’effroi et l’abattement. La seule option de faire mon bout est l’éducation et la génération d’espace de beauté et de bonheur dans le cadre de vie des quelques représentant de l’espèce que je peux côtoyer de façon proche.

La bienveillance globale est peut être la solution contre la dérive des “continents” et la disparition des Sapiens. Je dois y croire sinon c’est perdu et c’est trop laid.