La peur de demain est partout, c’est cette peur de manquer, de devoir, de ne plus comprendre.
Elle nous a pris, elle nous tient, fort et implacablement. Elle est en place depuis des mois, elle nous guettait depuis des années. L’autre et les autres ne sont plus vus comme des chances mais comme des risques. Les hasards des rencontres comme des dangers. Les errances comme des avaleurs de temps. La peur nous crispe et, dans une époque étrange dans laquelle on ne peut plus se tenir les uns contre les autres, alors que la distance s’impose pour survivre à un virus étrange, on se retrouve virtuellement à s’élever les uns contre les autres.
La bienveillance, qui devrait prévaloir, semble si dure d’accès, si théorique, si intangible que certains commencent à ne plus y croire.
Et pourtant, pourtant on est là, on respire, on bois, on mange, on marche (en rond parfois mais on marche). Pourtant on désire, on palpite et on rêve (même si on ne s’en souvient pas toujours, on rêve, tous.). Dans nos rêves on imagine les ailleurs, les pas ici, les ici, les autrefois, les demain. On les imagine et on y accroche nos envies, nos résolutions et nos rêves. On a beaucoup les mêmes. Pour la première fois depuis longtemps l’ennemi est le même, la lutte identique, mondiale, universelle, absolue. Le fait est mondial. Le paradoxe est total. C’est un moment unique qui devrait laisser l’humanité se rencontrer et les humains s’unir. Alors on peut essayer, ensemble, pleins d’humilité et de modestie, on peut regarder l’autre et lui dire en le pensant profondément et en habitant nos pensées: Je sais que c’est dur pour toi, je sais que tu en arraches, je sais aussi que tu dois beaucoup déconstruire pour me recevoir, recevoir mon message avec ouverture. Saches que, mon frère, ma sœur, toi l’autre personne, tu as ma bienveillance et ma paix. Je me veux pas te vaincre, te dépasser, te contrôler, je veux ta joie et ton bonheur et je le veux à toutes les personnes de notre monde.” On peut essayer de le faire, tous, c’est naïf et sans doute maladroit, mais je crois que c’est possible qu’on se fasse du bien (Pas simplement à ceux qui ont habituellement notre amour mais à tous les autres aussi). Et ça peut rendre le monde meilleur. On peut sortir de la peur, il suffit de comprendre que nous sommes tous autant en besoin profond les uns des autres. On peut se le donner, on peut choisir de ne plus avoir peur.”