Note sur le Comte de Lautréamont ou le Cri – Tristan Tzara

Hommage au comte de Lautreamont, auteur des Chants de Maldoror  … “L’esprit de cet homme négatif, prêt à chaque instant à se laisser tuer par le carrousel du vent et piétiner par la pluie des météores, dépasse l’hystérie douceâtre de Jésus et d’autres moulins à vent infatigables, installés dans les somptueux appartements de l’histoire.”

Mal d’or or de douleur

Mal d’or l’or a brisé la mort

Sa folie ne fut pas belle – c’est pourquoi elle vit encore. Qui ose combattre une réalité parce qu’on la sert sous forme de reproche ? VOIR : nécessité d’un déclic cérébral.

Ceux dont l’incertitude s’étale en prétentions et l’orgueil monte sous forme de salive cérébrale, ceux pour qui les marécages et l’excrément ont déterminé la règle de pitié philosophique, verront un jour ou l’autre l’incommensurable malédiction déchirer leurs muscles sales et faibles.

Le comte de Lautréamont a dépassé le point de tengence qui sépare création de folie. Pour lui la création est déjà médiocrité. De l’autre côté c’est l’inarticulable solennité. Les frontières de la sagesse sont inexplorées. L’extase les dévore – sans hiérarchie et sans cruauté.

La douleur lui glace les méninges, lui broie le cristal de sang, conduit sur un étrange canal de regrets pathétiques le désordre des doublures des vieux bateaux des vieux manteaux. Imaginaire ou exagérée, la douleur boit le silence, accompagne la force suraigüe qui tente constamment à se résoudre dans le délirium tremens féérique et universel.

La liberté de ses facultés, que rien ne lie, qu’il tourne de tous les côtés et surtout envers lui-même, la force de s’abaisser, de démolir, de s’accrocher à toutes les tares, avec une sincérité beaucoup trop intime pour nous intéresser, est la plus haute attitude humaine – parce que transformée en action, elle devrait aboutir à l’anéantissement de cet étrange mélange d’os de farine et de végétations : l’humanité. L’esprit de cet homme négatif, prêt à chaque instant à se laisser tuer par le carrousel du vent et piétiner par la pluie des météores, dépasse l’hystérie douceâtre de Jésus et d’autres moulins à vent infatigables, installés dans les somptueux appartements de l’histoire.

N’aimez pas si vous voulez mourir tranquillement.

Mal d’or or de douleur

Mal d’or l’or a brisé la mort

par son éclat et la musique des grenouilles de zéphyr.

Tristan TZARA.

Tzara original