Noir c’est noir … – Lamartine

Sur le coté divin des lettres les plus noires … exemple de Lamartine à propos de Byron…;) .. un peu comme pour justifier le texte de Houellbecq de la note precedente … 😉

%%% %%% Et toi, Byron, semblable à ce brigand des airs,%%% Les cris du désespoir sont tes plus doux concerts.%%% Le mal est ton spectacle, et l’homme est ta victime.%%% Ton oeil, comme Satan, a mesuré l’abîme,%%% Et ton âme, y plongeant loin du jour et de Dieu,%%% A dit à l’espérance un éternel adieu!%%% Comme lui, maintenant, régnant dans les ténèbres,%%% Ton génie invincible éclate en chants funèbres;%%% Il triomphe, et ta voix, sur un mode infernal,%%% Chante l’hymne de gloire au sombre dieu du mal.%%% Mais que sert de lutter contre sa destinée?%%% Elle n’a comme l’oeil qu’un étroit horizon.%%% Ne porte pas plus loin tes yeux ni ta raison :%%% Hors de là tout nous fuit, tout s’éteint, tout s’efface;%%% Dans ce cercle borné Dieu t’a marqué ta place.%%% Comment? pourquoi? qui sait? De ses puissantes mains%%% Il a laissé tomber le monde et les humains,%%% Comme il a dans nos champs répandu la poussière,%%% Ou semé dans les airs la nuit et la lumière;%%% Il le sait, il suffit : l’univers est à lui,%%% Et nous n’avons à nous que le jour d’aujourd’hui! %%% %%% Malheur à qui du fond de l’exil de la vie%%% Entendit ces concerts d’un monde qu’il envie!%%% Du nectar idéal sitôt qu’elle a goûté,%%% La nature répugne à la réalité :%%% Dans le sein du possible en songe elle s’élance;%%% Le réel est étroit, le possible est immense;%%% L’âme avec ses désirs s’y bâtit un séjour,%%% Où l’on puise à jamais la science et l’amour;%%% L’homme, altéré toujours, toujours se désaltère;%%% Et, de songes si beaux enivrants son sommeil,%%% Ne se reconnaît plus au moment du réveil. %%% %%% Fais silence, ô ma lyre! Et toi, qui dans tes mains%%% Tiens le coeur palpitant des sensibles humains,%%% Byron, viens en tirer des torrents d’harmonie :%%% C’est pour la vérité que Dieu fit le génie.%%% Jette un cri vers le ciel, ô chantre des enfers!%%% Le ciel même aux damnés enviera tes concerts!%%% Peut-être qu’à ta voix, de la vivante flamme%%% Un rayon descendra dans l’ombre de ton âme?%%% Peut-être que ton coeur, ému de saints transports,%%% S’apaisera soi-même à tes propres accords,%%% Et qu’un éclair d’en haut perçant ta nuit profonde,%%% Tu verseras sur nous la clarté qui t’inonde?%%% %%% Ah! si jamais ton luth, amolli par tes pleurs,%%% Soupirait sous tes doigts l’hymne de tes douleurs,%%% Ou si, du sein profond des ombres éternelles,%%% Comme un ange tombé, tu secouais tes ailes,%%% Et prenant vers le jour un lumineux essor,%%% Parmi les choeurs sacrés tu t’asseyais encor;%%% Jamais, jamais l’écho de la céleste voûte,%%% Jamais ces harpes d’or que Dieu lui-même écoute,%%% Jamais des séraphins les choeurs mélodieux,%%% De plus divins accords n’auront ravi les cieux!%%% Courage! enfant déchu d’une race divine!%%% Tu portes sur ton front ta superbe origine!%%% Tout homme en te voyant reconnaît dans tes yeux%%% Un rayon éclipsé de la splendeur des cieux!%%% Roi des chants immortels, reconnais-toi toi-même!%%% Laisse aux fils de la nuit le doute et le blasphème;%%% Dédaigne un faux encens qu’on offre de si bas,%%% La gloire ne peut être où la vertu n’est pas.%%% Viens reprendre ton rang dans ta splendeur première,%%% Parmi ces purs enfants de gloire et de lumière,%%% Que d’un souffle choisi Dieu voulut animer,%%% Et qu’il fit pour chanter, pour croire et pour aimer!%%%