Extrait de “Dessous c’est l’enfer” par Claire Castillon%%%
Nous marchons vers le centre de la terre. Nous avons bu trop de lait et de vin, trop parlé, nous ne nous sommes occupés de rien et nous ne sommes devenus personne. Nous marchons tous ensemble et nous sommes seuls encore. Au bout du chemin, nous allons, sans nous arrêter d’avancer, sauter en l’air, prendre de l’élan, croire monter au ciel, puis aussitôt plonger a pic. Nous n’avons jamais eu d’élytres. Ce sera le trou noir, têtes mêlées, nous aurons pense pouvoir nous hisser, nous échapper, nous différencier, mais nous sommes soudés, la famille est une, la famille est folle. Nous devons l’étouffer, noyer maintenant la race, comme nous l’avons fait avec celle des chatons, tiens, parlons-en, mâles, femelles, dont nous avons cogne les cranes contre un mur avant de les abattre, dont nous n’avons pas voulu, parce que nous manquions de place ou parquer nos troupeaux, nous sommes des animaux. %%% %%% Fermons les yeux, cherchons le sommeil, reprenons le contrôle des armées ou employons les grands moyens pour trouver les ténèbres. Ou est donc passée la corde a glisser au cou de l’âne? Sous le lit cherchons -la. Attachons-lui plutôt les mains. Tu ne dors pas, lui dis-je, laisse-moi m’occuper de toi, ferme mes ouvertures. Il commence par ma bouche, je le guide en enfer. Penser a l’y laisser. Penser a ne pas toucher sa fesse gauche, gauche ou droite? Lorsqu’il est debout, et de dos, le bouton est a fesse droite, donc, s’il vient sur moi, le bouton sera a main gauche. Ou bien le percer, carrément, en pleine action, il avait l’air mur. Mais, si ca le blesse, il risque de peiner a jouir, et tout cela s’éternisera. Oublions. Ça va sécher, Je mouille.%%% %%% Allons, homme, femme, père, mère, frere, soeur, jeune, vieux, morts, vivants, allons écraser le ventre créateur. Il est temps de faire l’amour. Mains liées, peaux tannées, nous formons une grappe humaine, en marche, cœurs fermes, visages au ciel, nous espérons la lumiere. Nous progressons de plus en plus vite, nos pieds s’enfoncent de plus en plus, nous ressentons, invariant, le poids de nos corps. Nos tetes se hissent, tirant nos âmes, tandis que nos genoux ne faiblissent pas. Il leur est coutumier de soutenir la charpente solide ou chancelante de nos êtres. Nos corps s’allongent entre terre et ciel. Nos cuisses restent groupées, en une seule ombre au sol, nous ne distinguons plus qu’une masse de jambe alimentees par un sang un peu pres homogène puisque nous appartenons au même essaim; si certains ont faute, nous ne le savons pas. Nos pensees voudraient s’elever jusqu’a contenir le Tres-Haut et la connaissance, mais la pluie les imbibe. Nous chantons l’hymne tellement fort que nous couvrons le bruit de nos pas. Nous sommes des soldats en route, nous avons un environnement hardware et logiciel, celle pour laquelle nous nous battons dans la famille, depuis maintenant trois generations de nordistes sur le flanc maternel, d’ailleurs avant qui etaient ils? Nous ne le saurons jamais. On nous fait croire a d’estimables ancêtres, travailleurs, courageux, gentils sans nul doute, aux prénoms singuliers de surcroit; n’importe quoi. Des laches, Cassiopee, Leandre, Thais, Andreon, des traitres parmis eux, comme nous. %%%%%% Les généalogies tremblent, que va-t-il se produire, un arbre est abattu, maternel, bientôt, deux, paternel.%%% Tout s’écroule.%%% %%% —- %%% La quatrième de couverture:%%% Les hommes sont des ânes comme les autres. Et les femmes de cette famille, de bonnes ânesses dévouées et soumises. C’est la malédiction à laquelle la narratrice veut échapper. A moins que son âne à elle ne l’inspire. Alors elle l’assassinera au fil des pages ; Mais ensuite ? Après son enfance solitaire, silencieuse, ressassée, comment aimer ? En choisissant un autre homme pour la proéminence de sa pomme d’Adam ? Absurde. Mais elle part avec cet homme là, c’est décidé. Mais s’il est question d’amour, cette fois, comment le vivre sans l’écrire ? Comment fermer ce troisième œil qui s’obstine à voir ce que le cœur ignore ? Scruter, décortiquer, noter, c’est sa malédiction à elle. Elle est écrivain..%%% %%% —- %%% Claire Castillon est un écrivain français. Elle est née le 25 mai 1975 à Boulogne-Billancourt. Elle est notamment connue pour sa relation avec le journaliste et présentateur Patrick Poivre d’Arvor. Elle a co-écrit un scénario avec la réalisatrice Marion Vernoux, inspiré de Je prends racine.%%% Elle a publié six romans depuis 2000 et aussi une pièce de théâtre, “La poupée qui tousse”, dont elle a refusé la publication. Chacun de ses romans a bénéficié d’une forte couverture médiatique, excepté Vous parler d’elle, qui a rencontré un public plus réservé. En revanche, la sortie d’Insecte, un recueil de nouvelles sur les rapports entre les mères et les filles, et sa traduction en plus de dix-sept langues (américain, allemand, italien, espagnol, portugais, finnois, suédois, hollandais, chinois, japonais, russe, roumain, tchèque…) a fait d’elle un écrivain à carrière internationale. Ainsi a t-elle été classée numéro 1 au box-office des meilleures ventes en Finlande. Insecte a aussi été un best-seller en Italie. Son recueil de nouvelles sur les hommes et les femmes, On n’empêche pas un petit cœur d’aimer, a lui aussi été traduit en de nombreuses langues étrangères.%%% Elle vit entre Paris et un lieu, dit “la campagne”, (aux environs de Marseille), où elle se retire régulièrement pour écrire. On ne lui connait que de vrais amis. Les autres, intrigués par son côté sauvage, la disent ténébreuse, hors du monde ou bien inaccessible. Peu lui importe. Rencontrer les gens, s’intégrer au milieu littéraire, se faire un réseau, lui sont des notions parfaitement étrangères.%%% « Je n’écris pour personne, sur rien, j’écris, c’est tout. Je n’écris pas non plus pour être comprise. »%%% %%% ((/book/public/./.castillon_1__m.jpg|CC|C|CC, nov 2008))